🔴 MALI : Des magistrats demandent à la Cour constitutionnelle de constater la fin de la Transition (Requête)

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Le syndicat malien des magistrats (REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) ont émis mercredi à l’endroit de la Cour constitutionnelle du pays une requête de constatation de « vide institutionnel » pour la vacance de la Transition militaire, entamée le 24 mai 2021. Ces magistrats rappellent que la Transition militaire prend « définitivement fin le 26 mars 2024 » comme l’indique un décret du 6 juin 2022 signé par le Président de la Transition, Assimi Goïta.

Les requérants demandent alors à la Cour constitutionnelle du Mali de « constater la vacance de la présidence de la transition ainsi que la déchéance de tous les organes de la transition et d’ordonner l’ouverture et la mise en place d’une nouvelle transition avec comme mission l’organisation des élections inclusives et véritablement démocratiques en vue du retour à l’ordre constitutionnel ».

 

REQUÊTE AUX FINS DE CONSTATATION DE VIDE INSTITUTIONNEL AU MALI POUR VACANCE DE LA PRÉSIDENCE DE LA TRANSITION MILITAIRE ET DECHEANCES DE SES ORGANES ET DE MISE EN PLACE D’UNE TRANSITION CIVILE DE MISSION

la Référence Syndicale des Magistrats (REFSYMA) Récépissé N°00027/GB du 27 Décembre 2018 et l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants (AMPP) récépissé du N°0812/GB du 08 Août 2014

Toutes deux représentées par leur président

Cheick Mohamed Chérif KONE né le 25 novembre 1959 à Koutiala; de feu Ousmane et de feue Fanta KEITA; magistrat domicilié à Bamako Kalaban Coura Cité des Magistrats, Rue 305 Porte 1138; tel 66726015; BPE 1649 Bamako;

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers de la Cour Constitutionnelle

La référence syndicale des magistrats et l’association malienne des procureurs et poursuivants, toutes deux légalement constituées comme relevant de la société civile et libres d’exercer leurs activités conformément à la loi, Ont l’honneur de vous solliciter à l’effet de constater la vacance de la présidence de la transition ainsi que la déchéance de tous les organes de la transition et ordonner l’ouverture et la mise en place d’une nouvelle transition avec comme mission l’organisation des élections inclusives et véritablement démocratiques en vue du retour à l’ordre constitutionnel.

Elles se fondent, sans équivoque, sur les articles 37, 40, 144 et 186 de la Constitution ainsi que de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, et encore d’autre part sur les dispositions pertinentes de la loi organique modifiée déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, ainsi que la procédure suivie devant elle,

– article 37 de la constitution: « La souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect ou par voie de référendum.

Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice >>>

– article 40 de la Constitution: << Les organisations de la société civile exercent, dans le cadre de la démocratie participative, une mission de veille citoyenne dans les conditions déterminées par la loi » d’une part, article 144 alinéa 2 de la Constitution « La Cour Constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. >>>

article 186 de la constitution: <<« Le fondement de tout pouvoir, en République du Mali, réside dans la Constitution. Le Peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’Etat .>>>

Exposé succinct des faits:

Profitant de leur position de force et de leur emprise sur la justice d’État, les autorités de la transition en place, en déphasage avec leur mission, s’imposaient à tort et par la force des armes, comme exclusivement investies de l’exercice de la souveraineté nationale au mépris de la constitution et des lois de la république.

Du fait de leur obsession viscérale de l’exercice du pouvoir politique et de le confisquer par des manœuvres frauduleuses en violation de leurs serments et engagements, notre pays vit actuellement dans un vide institutionnel. Une transition initialement prévue pour une durée de 18 mois, est à sa quatrième année avec une incertitude totale sur sa fin.

Prévue pour prendre fin en février 2022, la transition ouverte en août 2020 sous l’égide de la communauté internationale devait permettre le retour à l’ordre constitutionnel, au terme de 18 mois suffisants pour organiser des élections véritablement démocratiques.

Suite à un deuxième coup de force, les auteurs du coup d’État, maîtres absolus du pays remettant d’autorité en cause ce délai, le prorogeaient unilatéralement de 24 mois supplémentaires, en dépit de la réticence de la CEDEAO dont les sanctions n’ont pu les faire fléchir ou les dissuader.

La transition militaire illégalement en cours dont les tenants ont eux-mêmes souverainement fixé la durée sans la moindre influence extérieure, vient donc de prendre définitivement fin le 26 mars 2024 conformément au décret N°2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 du président de la transition.

Comme si tout cela ne suffisait pas, dans le dessein de se maintenir au pouvoir et de le confisquer par la force des armes, la négation des libertés et droits fondamentaux, outre les manœuvres déloyales peu honorables, le dilatoire, les menaces et fuites en avant, aucun acte n’a été posé dans le sens de l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel.

Pourtant le chronogramme imposé à tous, élaboré sur la base dudit décret du président de la transition, n’a jamais été remis en cause de façon sérieuse par le gouvernement.

Ces actes délibérés sont contraires à notre constitution dont la cour constitutionnelle est garante du respect. Ils frisent le mépris et sont à l’antipode des principes qui fondent notre Etat de droit.

Fondamentalement, ils remettant en cause la forme républicaine de l’Etat, ouvrant ainsi largement la voie à la désobéissance civile au peuple en application de l’article 186 de la constitution cité plus haut.

Sur la base de cet article essentiel, si le Colonel Assimi GOITA et autres, portés par putschs et coups d’État, crimes imprescriptibles (article 187), dirigeaient le pays sur la base de compromis, ils ne détiennent plus le moindre pouvoir pour nous gouverner après le 26 mars 2024.

Nul ne sachant prévoir les conséquences de la désobéissance civile, notamment sur un pays en difficultés, nous requerrons votre intervention pour éviter le pire à notre peuple ayant opté de façon irréversible pour la démocratie et la forme républicaine de l’Etat lesquelles ne sauraient être remises en cause pour quelques raisons.

L’exercice de la souveraineté nationale n’étant pas l’apanage d’une fraction du peuple ou d’un individu, fusse-t-il un colonel redoutable en arme.

A cet égard l’article 37 de la constitution est sans équivoque :

<<< La souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect ou par voie de référendum

Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice >>>

Ce serait une démission, voire une responsabilité pour des organisations telles les nôtres que de cautionner l’arbitraire par le silence et l’inaction, au seul motif que leurs auteurs seraient des colonels en armes en rupture avec les valeurs républicaines, assoiffés par l’exercice du pouvoir politique sans autre forme.

Monsieur le président, mesdames et Messieurs les Conseillers de la Cour

Les tenants de la transition qui vient de prendre fin le 26 mars 2024, restent encore les
maîtres du terrain en armes, quand bien même qu’ils sont juridiquement disqualifiés à parler et pour agir au nom de notre peuple qui ne les reconnaît plus comme ses représentants.

Potentiellement incompétents à gérer la république, et manquant de volonté, ils n’offrent la moindre garantie pour organiser des élections démocratiques et crédibles devant conduire au retour à l’ordre constitutionnel très attendu par notre peuple et la communauté internationale.

Aux termes de l’alinéa 2 dudit article 144 de la Constitution: « La cour constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ».

Par ailleurs, la Cour ne peut invoquer l’irrecevabilité de la requête en raison de sa propre jurisprudence.

En effet, par arrêt N°2021-02/CC DU 28 MAI 2021 relatif à la vacance de la Présidence de la Transition, la Cour s’est laissée saisir par lettre N°000145 du 27 mai 2021 du Ministre Directeur de Cabinet du Vice-Président de la Transition transmettant à son président la lettre de démission en date du 24 mai 2021 du Président de la Transition et le Décret N°2021-0355/P-T du 24 mai 2021 mettant fin aux fonctions du Premier ministre et des membres du Gouvernement.

Pour la recevabilité de la saisine, la Cour invoqua l’article 36 alinéa 2 de la Constitution du 25 février 1992 en ces termes : « Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 36 alinéa 2 de la Constitution du 25 février 1992: «En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour Constitutionnelle saisie par le Président de l’Assemblée Nationale et le Premier ministre, les fonctions de Président de la République sont exercées par le Président de l’Assemblée Nationale >> ;

<<< Considérant qu’en l’espèce, il s ‘agit de la vacance de la Présidence de la Transition et non de la vacance de la Présidence de la République d’une part; que le gouvernement est dissout suivant décret n°0355/P-T du 24 mai 2021, d’autre part;

Que dès lors les dispositions de l’article 36 de la Constitution ne sont applicables qu’à la vacance de la présidence pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif;

Considérant qu’aux termes du titre I de la Charte de la Transition du 1 octobre 2020 <<< la Charte de la Transition …complète la Constitution du 25 février 1992 et dont le présent préambule est partie intégrante >> ;

Que cependant elle ne prévoit ni la procédure de constatation de la vacance de la Présidence de la Transition, ni les autorités chargées de saisir la Cour à cet effet, encore moins le mode de saisine;

Considérant que ce vide juridique ne saurait bloquer le fonctionnement des organes de la Transition et l’activité des pouvoirs publics;

Qu’en conséquence, il y’a lieu de déclarer recevable la lettre n°000145 du 27 mai 2021 du Ministre Directeur de Cabinet du Vice-président de la Transition tendant à la Constation de la vacance de la Présidence de la Transition. >>>

Qu’au regard de ce que dessus, la Cour devra recevoir la présente requête, et notamment en raison des missions de veille citoyenne assignées aux organisations de la société civile par l’article 40 de la constitution de la République du Mali, étant entendu que la Transition a pris fin le 26 mars 2024, laissant un vide institutionnel.

C’est pourquoi en vue d’éviter le pire à notre nation, nous sollicitons qu’il vous plaise, en vertu de ces pouvoirs qui vous sont dévolus de :

1- Constater et déclarer comme vacante à partir du 27 mars 2024, la présidence de la transition dirigée par le colonel Assimi GOITA;

2- Prononcer la déchéance des organes de la transition notamment le Gouvernement et l’Organe législatif de la transition présidée par le Colonel Assimi GOITA;

3- Ordonner l’ouverture d’une nouvelle transition à vocation de rassemblement et réconciliation incluant toutes les composantes de la nation, y compris l’armée, républicaine, avec comme missions principales assignées l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel Rappeler l’exigence de la préservation des acquis démocratiques, entre autres: le respect des droits humains et de l’inviolabilité de la personne humaine, la garantie de liberté d’expression et d’opinion, du libre exercice des activités syndicales et associatives;

5- Ordonner la cessation des troubles ainsi que des atteintes aux libertés publiques, des arrestations arbitraires, des séquestrations extrajudiciaires, des tortures, traitements inhumains, cruels et dégradants, de l’exil forcé, voire de toutes formes de persécution en raison des convictions politiques.

PAR CES MOTIFS

Sollicitent qu’il plaise à la Cour Constitutionnelle,

En la forme: recevoir la requête;

Au fond, y faire droit et dire que:

La Transition a pris fin le 26 mars 2024;

les autorités actuelles sont sans mandat ou pouvoir pour représenter le Mali; une nouvelle Transition à vocation de rassemblement et réconciliation incluant toutes

les composantes de la nation, y compris l’armée républicaine, avec comme missions principales assignées l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel dans le respect strict des libertés publiques collectives et individuelles est ouverte;

Et SOUS RÉSERVE ET tous autres à produire ou à suppléer d’office.

Pièces jointes:

Copie constitution du 22 Juillet 2023

Arrêt N°2021-02/CC/Vacance du 28 mai 2021

récépissés REFSYMA/AMPP

Décret du 6 Juin 2022

Bamako le 27 Mars 2024 Pour les requérantes Le président

Cheick Mohamed Chérif KONE Chevalier de l’Ordre National

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