[EDITO] GUERRE RUSSIE/UKRAINE : L’Afrique dans un combat alimentaire !

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Le Président sénégalais, Macky Sall, en sa qualité de Président en exercice de l’Union africaine, et au nom de cette organisation, est allé rencontrer son homologue Russe, Vladimir Poutine vendredi, pour lui demander de prendre conscience que l’Afrique, bien qu’éloignée du théâtre de la guerre russo-ukrainienne, est victime directe de ce conflit, car menacée par une grave crise alimentaire. Une mission de bons offices qui traduit, si besoin en était encore, l’ampleur de la menace sur plusieurs Etats africains dépendants du blé russe et ukrainien.

Et c’est bien le cas du Burkina Faso où l’inflation frappe de plein fouet cette denrée, dont la tonne est passée de 350 000 et plus de 500 000 F CFA, la faute au blocus sur les productions russe et ukrainienne qui représentaient 30% des exportations mondiales du blé. Et la crise du pain, non encore complément résorbée est passée par là. C’est aussi le cas du Tchad dont les autorités ont dû déclarer « l’urgence alimentaire », en raison de la « détérioration constante de la situation nutritionnelle », du fait de la guerre en Ukraine, pour ne citer que les exemples de ces deux pays.

Il est donc clair que la menace est réelle sur les Etats africains. C’est en cela que l’on peut comprendre et même saluer cette démarche de l’Union africaine qui veut parer au plus urgent, car il y a véritablement péril en la demeure. Macky Sall joue donc les sapeurs-pompiers et espère, toute l’Afrique avec lui, que Vladimir Poutine accède à sa requête de faire débloquer les stocks de céréales et d’engrais qui ne peuvent pas quitter l’Ukraine et dont l’immobilisation affecte en particulier les pays africains. Vu l’urgence, le Président Sénégalais pousse plus loin son courage et promet se rendre même à Kiev, dans la capitale ukrainienne, prendre le risque d’arpenter les décombres d’immeubles bombardés par Moscou, pour aller parler de nourriture avec un Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien, qui aurait plutôt souhaité compter sur la diplomatie africaine par ramener Poutine à la raison. C’est tout simplement avilissant.

C’est en effet tout au moins gênant que les Etats africains qui se sont majoritairement abstenus de prendre parti dans cette guerre entre la Russie et l’Ukraine, s’invitent dans ce bras de fer à travers des préoccupations d’ordre alimentaire. Entre les frappes de l’armée russe, bombardant des villes entières et occupant plus de 20% du territoire ukrainien et l’étonnante résistance de l’armée ukrainienne, les Africains n’y voient que les quelques 20 millions de tonnes de céréales entreposées dans des silos en Ukraine en raison du blocus imposé par l’armée russe dans la mer Noire, paralysant le port stratégique d’Odessa.

L’Afrique qui est longtemps restée à la traine du commerce mondial où elle ne pèse que moins de 3%, est déjà quasi-entièrement dépendante de l’Occident sur le plan des technologies. L’on comprend difficilement que cette dépendance perdure également sur le plan des productions agricoles pour un continent riche en terres cultivables non encore exploitées, avec une population jeune frappée par le chômage. Quel déshonneur pour ce continent, réservoir des ressources naturelles et de terres exploitables sur le plan agricole, mais qui tremble de faim lorsqu’un seul robinet alimentaire se ferme en Europe.

Cela est la conséquence de l’échec collectif des politiques agricoles sur le continent. Cette Union africaine qui n’a d’yeux que sur les céréales et les angrais d’Ukraine et de la Russie non-parvenus sur le continent du fait de la guerre, gagnerait à développer de véritables politiques agricoles à l’échelle continentale pour garantir l’autosuffisance alimentaire et réduire la dépendance alimentaire du continent vis-à-vis du reste du monde.

Paul-Miki Roamba

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