Ouagadougou, Burkina Faso | OMĂGA MĂDIAS | Jeudi 16/02/2023 – Par Lamine TraorĂ©
Câest un secret de polichinelle. Le Premier ministre Apollinaire Kyelem de Tambela prĂŽne une fĂ©dĂ©ration des Ătats. Dâabord ceux du Sahel. Mais au-delĂ , Ă lâĂ©chelle du continent africain. Dans un contexte oĂč lâexistence des « Ătats » (Burkina Faso, Mali) est mise Ă rude Ă©preuve, lâinsĂ©curitĂ©, le terrorisme avec comme effet, lâoccupation de prĂšs de la moitiĂ© des territoires de ces Ătats, câest lĂ que Tambela Ă©voque la fĂ©dĂ©ration des Ătats. Mais quels « Ătats »?
On le savait dĂ©jĂ . Avant mĂȘme dâĂȘtre nommĂ© Ă la tĂȘte du gouvernement, Apollinaire Kyelem qui, peut-ĂȘtre faudrait-il le rappeler, a fondĂ© le « mouvement fĂ©dĂ©raliste africain » dont il est le PrĂ©sident, nâa jamais cachĂ© sa volontĂ©, son dĂ©sir et ses envies, pour les pays africains, dâaller Ă la fĂ©dĂ©ration. Il a longuement dĂ©fendu cette position lors de la quasi-totalitĂ© de ses interventions Ă la presse et autres plateaux de tĂ©lĂ©vision.
Sauf que « lâhomme de Tambela » nâest plus analyste des situations politiques. Mais entre temps. Premier ministre. DĂ©sormais chef du gouvernement, il continue de porter ce « vieux rĂȘve ». Le fĂ©dĂ©ralisme. A ce niveau de responsabilitĂ© de lâEtat, pour la premiĂšre fois, il sâexprime sur la question le 31 janvier, alors en visite Ă Bamako au Mali. « Nos devanciers ont tentĂ© des regroupements, comme la FĂ©dĂ©ration du Mali, qui malheureusement nâa pas durĂ©. Mais, ils ont montrĂ© la voie », affirme ce jour-lĂ le Premier ministre.
« Avant mĂȘme dâĂȘtre Premier ministre », a-t-il dit, « jâavais fait des articles et des propositions pour ce que jâappelais la constitution de la FĂ©dĂ©ration du Sahel ».
« Le Mali est un grand producteur de coton, de bĂ©tail et dâor. Le Burkina Faso aussi produit du coton, du bĂ©tail, de lâor. Tant que chacun va regarder ailleurs, nous ne pesons pas tellement. Mais si vous mettez ensemble la production de coton, dâor et de bĂ©tail du Mali et du Burkina Faso, ça devient une puissance », a-t-il soulignĂ©.
Tout au long de la visite de 48h, Bamako sâest montrĂ©e mĂ©fiante face Ă ces dĂ©clarations du patron du gouvernement BurkinabĂš. Aucun officiel malien ne sâest exprimĂ© publiquement sur la question.
Une semaine plus tard. Cette fois-ci Ă Ouagadougou. Les ministres des Affaires Ă©trangĂšres du Burkina, du Mali et de la GuinĂ©e sont en « sommet », que dire, rĂ©union. AprĂšs une journĂ©e de travail, les pays ont dĂ©cidĂ© dâavoir une convergence de vue pour faire face aux dĂ©fis communs et ce, dans plusieurs domaines, sĂ©curitĂ©, coopĂ©ration, Ă©conomie, transports⊠Si le communiquĂ© final ne fait mention dâune quelconque fĂ©dĂ©ration des trois pays, il nâen fallait pas plus pour que le Premier ministre lance une invitation aux trois ministres autour dâun dĂźner le lendemain de la rencontre, pour, parler du « vieux rĂȘve ». Clairement, M. Kyelem a appelĂ© les ministres Ă se mettre au travail pour aller vers une fĂ©dĂ©ration Burkina – Mali – GuinĂ©e.
Selon le communiqué de la primature, Apollinaire Kyelem a été catégorique. Le Burkina Faso, le Mali et la Guinée, doivent impérativement aller vers le fédéralisme.
Une initiative dâunitĂ©, de rassemblement est toujours salutaire. Tout dĂ©pend, cependant du contexte. Il sâagit des pays en transition qui ont pour certains, le Burkina et le Mali, pris lâengagement de restaurer lâintĂ©gritĂ© territoriale des Ătats et pour dâautre, notamment, la GuinĂ©e, promouvoir la bonne gouvernance. Toutes ces transition doivent aboutir Ă lâorganisation dâĂ©lections libres, crĂ©dibles et transparentes. Les militaires en arrivant au pouvoir en ont fait la promesse. Le Burkina et le Mali dont la moitiĂ© des territoires sont sous occupation de groupes armĂ©s se doivent dâabord de les recouvrer avant de penser Ă une quelconque fĂ©dĂ©ration qui, il faut le dire, sâĂ©loigne des objectifs de ces transitions. Un Ătat est avant tout son territoire. Ce qui urge, Tambela, et pour les transitions burkinabĂš et malienne, ce nâest la fĂ©dĂ©ration. Mais la restauration de lâintĂ©gralitĂ© des territoires et le retour des dĂ©placĂ©s. Au Burkina nous en avons prĂšs de 2 millions.
De lâautre cĂŽtĂ© Ă Conakry, des voix sâĂ©lĂšvent dĂ©jĂ contre cette prĂ©tendue fĂ©dĂ©ration. Elles sont soient des acteurs politiques, soient des leaders dâorganisations de la sociĂ©tĂ© civile. LĂ -bas on voit dâun mauvais Ćil cette histoire qui, sans doute, selon certains, viendra ajouter des problĂšmes Ă ceux dĂ©jĂ existants. Conakry ne veut pas vivre le spectre de la violence terroriste. Comme pour dire: rĂ©glez vos problĂšmes et laissez-nous avec les nĂŽtres. Quand on sait que la transition dirigĂ©e par Doumbouya ne fait pas lâunanimitĂ© dans le pays de Sekou TourĂ©.
Mais qui sait ? Et si lâidĂ©e de la fĂ©dĂ©ration nâĂ©tait que la face visible de lâiceberg ? La trouvaille de Tambela nâest-elle pas un autre virage que veulent emprunter ces pays?
Lamine Traoré / Oméga médias