🔮 Niger: une association burkinabù demande à la Cedeao de dialoguer

0
713

L’association Racines, dans une dĂ©claration le 15 aoĂ»t, dit s’opposer Ă  la dĂ©cision des chefs d’État de la Cedeao d’intervenir militairement dans les « affaires intĂ©rieures du Niger », pour rĂ©habiliter le PrĂ©sident Mohamed Bazoum. Elle remet en question dans sa dĂ©claration, la rĂ©action disproportionnĂ©e des dirigeants de la Cedeao, comparĂ©e Ă  leur approche dans d’autres situations de coup d’État, notamment ceux du Burkina et du Mali.

L’association Racine, a Ă©galement fait appel aux parlements africains, aux leaders religieux, et aux autoritĂ©s traditionnelles pour s’opposer Ă  cette intervention militaire et promouvoir le dialogue pour une sortie de crise.

Lire l’intĂ©gralitĂ© de la dĂ©claration đŸ‘‡đŸœ

Suite Ă  la dĂ©cision des chefs d’Etats de la CEDEAO de faire intervenir l’armĂ©e dans les affaires intĂ©rieures d’un pays souverain qu’est le Niger, en prenant pour prĂ©texte le coup d’Etat perpĂ©trĂ© par la garde du PrĂ©sident Bazoum, dĂ©mocratiquement Ă©lu, nous membres de l’Association Racines, venons humblement joindre notre voix Ă  celle de tous ceux qui, Ă  travers la sous-rĂ©gion, l’Afrique et le monde, prĂŽnent la tempĂ©rance et l’option non militaire dans la rĂ©solution de la crise. Il n’est pas inutile de rappeler que la rĂ©gion n’est pas Ă  son premier coup d’Etat et le Niger non plus. Mais jamais la CEDEAO n’avait jugĂ© utile de faire intervenir des militaires pour combattre d’autres militaires frĂšres afin de rĂ©installer un ex-prĂ©sident. L’on peut se demander pourquoi une telle solution n’a pas effleurĂ© les grands esprits des Chefs d’Etat va-t-en-guerre de la CEDEAO lors des coups d’Etat survenus au Mali, au Burkina et en GuinĂ©e. Il s’agit-lĂ  concrĂštement d’une politique du d’un poids deux mesures qui laisse perplexes les peuples du Niger et de la CEDEAO.

Dans la logique des relations qui lient les pays frĂšres de la CEDEAO, il a toujours Ă©tĂ© prĂ©conisĂ© le dialogue pour les sorties de crises et la rĂ©gion possĂšdent de nombreux mĂ©diateurs qui peuvent assumer avec brio de telles missions. Mais d’oĂč vient la brusque fĂ©brilitĂ© qui s’est saisit des Chefs d’Etats du Nigeria, de la CĂŽte d’Ivoire, du Ghana, du SĂ©nĂ©gal, de la GuinĂ©e Bissau, etc. pour menacer de faire intervenir la force militaire au risque de provoquer une implosion de la CEDEAO et une dĂ©stabilisation de la rĂ©gion compte tenu du fait que les Chefs D’Etats des pays comme le Mali et le Burkina ont dĂ©clarĂ© que toute agression contre le Mali sera considĂ©rĂ©e comme une dĂ©claration de guerre contre leurs deux pays ? A ceux-ci, il faut ajouter l’opposition de la GuinĂ©e, de l’AlgĂ©rie, du Togo, de la Russie et des USA qui avertissent que toute option militaire serait contre-productive dans la rĂ©installation du PrĂ©sident Bazoum, ce d’autant plus dĂ©sormais, qu’il est accusĂ© de haute trahison et retenu avec certains membres de sa famille.

Quelle que soit la motivation des Chefs d’Etats de rĂ©installer un des leurs au nom de la dĂ©mocratie, force est de constater qu’ils font, peut-ĂȘtre malgrĂ© eux, le jeu de l’ex-puissance coloniale qui avait misĂ© sur le rĂ©gime dĂ©funt nigĂ©rien pour perpĂ©tuer la prĂ©dation des ressources de la rĂ©gion, dont l’uranium, le pĂ©trole, l’or, etc. Il est affligeant pour les peuples de la CEDEAO, qui n’ont pas Ă©tĂ© consultĂ©s par leurs dirigeants, Ă  travers leur parlement, de voir des Chefs d’Etats de pays dits souverains, faire le jeu de l’ex-puissance colonisatrice en rĂ©pondant systĂ©matiquement Ă  ses injonctions. Que faisons-nous alors de la dignitĂ© africaine et de la soif de libertĂ© et de libĂ©ration des peuples qui grondent Ă  travers tout le continent dont les jeunesses se font l’écho ?

AprĂšs la protestation de certaines autoritĂ©s traditionnelles, coutumiĂšres et religieuses, des parlements se sont Ă©mus de n’avoir pas Ă©tĂ© consultĂ©s et le parlement de la CEDEAO a dĂ©sapprouvĂ© toute intervention militaire et prĂ©conise un recours au dialogue responsable. Les organisations de la sociĂ©tĂ© civile de la CEDEAO se mobilisent pour dĂ©savouer l’option choisie par certains de leurs Chefs d’Etats qui sans hĂ©siter veulent faire perpĂ©trer une sale guerre fratricide et endeuiller la sous-rĂ©gion qui, depuis plus d’une dizaine d’annĂ©es, est confrontĂ©e aux violences terroristes avec leurs lots de morts, de blessĂ©s et de dĂ©placĂ©s internes. La CEDEAO, pendant ces dix longues annĂ©es faites de sueurs, de sang et d’humiliation, n’a point lever le moindre petit doigt pour sauver le peuple nigĂ©rien. Elle ne s’est guĂšre Ă©mue des tueries en masses des militaires, des femmes et d’enfants nigĂ©riens, s’offusquĂ©e des millions de sans-abris et d’affamĂ©s et s’offensĂ©e des cas rĂ©currents de viols, d’enrĂŽlement de mineurs et de la profanation des morts dont les Ăąmes flĂąnent dans la chaleur du sahel sans sĂ©pulture. La CEDEAO, prĂ©textant le manque de moyens, en dix ans, n’a pu trouver une seule raison valable pour aider la population rĂ©siliente du Niger, cependant, en moins de deux semaines, peut trouver les ressources nĂ©cessaires pour mobiliser des milliers de soldats et de la logistique nĂ©cessaire pour sauver la dĂ©mocratie. Quel paradoxe et quelle honte pour une communautĂ© qui prĂŽne la fraternitĂ© et la solidaritĂ© ? Quelle lĂ©gitimitĂ© la CEDEAO a-t-elle pour prĂ©tendre savoir ce qui est mieux pour le peuple nigĂ©rien et prĂ©tendre le sauver si en dix ans de terreur aucune force en attente n’a Ă©tĂ© mobilisĂ©e pour venir Ă  la rescousse du Niger et des autres pays martyrs que sont le Mali et le Burkina. Si la CEDEAO s’est tue pendant dix ans face Ă  l’Armageddon du Sahel, le bon sens aurait voulu qu’elle se taise Ă  prĂ©sent pour Ă©viter de dĂ©cupler son indignitĂ© et sa honte. Quel dommage que la souffrance des peuples ne semble pas ĂȘtre la prĂ©occupation des Chefs d’Etats va-t-en-guerre qui prĂ©fĂšrent se mobiliser pour permettre Ă  la France de continuer Ă  exercer sa domination sur le Niger plutĂŽt que de voler au secours des populations et des peuples en lutte contre le terrorisme alimentĂ© par des armes, des mercenaires et des ressources en provenance de l’extĂ©rieur.

Nous, membres de Racines, voudrons interpeller tous les chefs d’Etats de la CEDEAO Ă  se ressaisir pour prĂ©server l’outil prĂ©cieux que leurs prĂ©dĂ©cesseurs ont su construire afin de permettre au continent d’envisager avec luciditĂ© la fĂ©dĂ©ration des Etats unis d’Afrique. Mais pour y arriver, il est impĂ©rieux qu’aucun Etat africain n’agresse un autre pour quelques raisons que ce soit et on ne saurait, au nom de la dĂ©mocratie, faire la guerre Ă  un autre Etat au moment oĂč dans certains des pays donneurs de leçons, les constitutions sont violĂ©es et les droits de l’homme bafouĂ©s. Il est Ă  rappeler Ă  tous que la dĂ©mocratie est un processus de longue haleine et non une imposition par la force des armes.

AprĂšs avoir construit la CEDEAO des Chefs d’Etats, il urge que nous parvenions Ă  la CEDEAO des peuples, car laisser une telle organisation aux seules mains des Chefs d’Etats sans le contrĂŽle permanent et la sagacitĂ© des peuples peut se rĂ©vĂ©ler funeste Ă  long terme. C’est la raison pour laquelle, nous saluons le sursaut du parlement de la CEDEAO et lançons un appel pressant Ă  tous les parlements africains, les lĂ©gitimitĂ©s coutumiĂšres et traditionnelles, les leaders religieux Ă  dĂ©sapprouver bruyamment la forfaiture que s’apprĂȘtent Ă  commettre certains de leurs dirigeants et Ă  s’inscrire rĂ©solument dans la voie de la lutte pour l’indĂ©pendance vĂ©ritable du continent. Ceci passe par une dĂ©nonciation systĂ©matique de tous les accords nĂ©ocoloniaux qui sont autant de genoux asphyxiants qui hypothĂšquent l’avenir de la jeunesse obligĂ©e de traverser la mer et le Sahara, au pĂ©ril de leurs vies.

Vive la CEDEAO des peuples et vive l’émergence d’une Afrique nouvelle, indĂ©pendante et libre !

 

Fait à Ouagadougou, le 15 août 202

Laisser un commentaire