Décès Hamed Bakayoko : « C’était un homme de réseaux, fidèle, généreux, serviable et très attaché au Burkina

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De l’étudiant à Ouagadougou à l’homme d’Etat ivoirien, « fils » de chefs d’État, fan de musique, Hamed Bakayoko est resté un homme de réseaux, fidèle, serviable et généreux. Le témoignage est du ministre burkinabè des Affaires étrangères Alpha Barry qui a été son ami et collaborateur. Dans cet entretien qu’il a accordé à Oméga, il revient sur des moments et des anecdotes partagés avec le défunt premier ministre ivoirien.

Oméga : comment avez-vous appris le décès d’Hamed Bakayoko ?

Alpha Barry: je l’ai appris par un coup de fil que j’ai eu par l’intermédiaire d’un proche et immédiatement après j’ai rappelé le frère du premier ministre Hamed, certains de ses proches qui étaient avec lui sur place qui m’ont confirmé la nouvelle, triste, bouleversante, troublante qui m’a vraiment dévastée et plongée vraiment dans une douleur immense.

Quelles étaient vos relations ?

On avait des relations d’amitié et de fraternité, j’allais dire très fortes, parce qu’on était très liés, on se parlait régulièrement, on s’appelait très régulièrement, on se téléphonait pratiquement tous les deux trois jours. Parfois avant de se coucher, on se téléphonait, on était des confidents, des complices, on était très très ouverts l’un pour l’autre, vraiment on était des copains; donc quand moi je vais à Abidjan il me prend, il tourne. On peut aller à Yamoussokro, on peut aller dans les maquis. Ici à Ouagadougou, on se retrouvait chez moi à la maison pour dîner, même des fois passer manger du benga qu’il commande spécialement parce qu’il a des habitudes qu’il a gardé de son passage au Burkina Faso pour avoir étudié ici. Donc il avait à la fois des habitudes alimentaires et mais aussi bien des habitudes, j’allais dire en terme d’amitié que de relations. Il venait ici, très vite, il était entouré de tout son monde, des gens qu’il a connues depuis longtemps. C’était quelqu’un qui était très très fidèle en amitié, c’était l’homme des contacts, l’homme des réseaux, il connaissait pratiquement tout le monde, les stars de foootball, les stars de la musique, il aimait beaucoup la musique surtout la musique congolaise. Je me souviens une fois, on était à Brazzaville à l’investiture du président Sassou, lui il représentait le président Alassane Ouattara et moi je représentais le président Roch Marc Christian Kaboré, il y avait la musique congolaise qui jouait, la Rumba, et il m’a dit: « écoutes Alpha vraiment si je pouvais traverser le fleuve et me retrouver à Kinshassa pour me reposer et puis écouter la musique, la Rumba, j’allais être vraiment heureux. » Puis on a tourné et au moment du départ il y a Roga Roga qui est venu le saluer et avant de se séparer je lui demande : « Bon j’espère que la visite était bien de ton côté ». Il m’a dit oui, surtout que Roga Roga est venu me voir vraiment ma journée est gagnée. C’était un peu ça Hamed, l’homme des réseaux. C’était aussi l’homme des chefs d’Etats, il connaissait beaucoup de personnalités à travers l’Afrique, à travers le monde. Je me souviens dans une autre vie lorsque j’étais à Conakry alors que lui et moi on avait organisé la visite du président Alassane Ouattara à Conakry, quand le président Alassane est arrivé, il saluait les gens autour du président Condé, il saluait les membres de la délégation ivoirienne et lorsque le président Alpha Condé l’a salué, le président Alassane en plaisantant s’est plaint pour dire au président Condé que Hamed est mieux accueilli que lui et le président Condé a répondu « Mais c’est parce que c’est mon fils! » et le président Alassane a répondu « Non ce n’est pas ton fils c’est moi mon fils ». Ils se sont taquiné ainsi: « non c’est moi mon fils ». Et ils ont discuté comme ça et le président Alassane a plaisanté pour dire que « bon! c’est mon ministre hein, je peux prendre un décret l’enlever,si tu insistes comme ça. »
Et le président Conde aussi répond en plaisantant: « Tu oublies que j’ai le pouvoir de decret aussi en Guinée, je peux le nommer ministre, surtout que c’est un Bakayoko ça peut bien passer ».
Pour dire que Hamed Bakayoko était l’ami de tout le monde, des chefs d’Etats jusqu’aux plantons ou aux citoyens lambda dans la rue qu’il pouvait voir comme ça et puis l’aider en changeant la vie de cette personne. Et je me souviens qu’un jour en 2015, la veille de l’investiture du président Roch Marc Christian Kaboré lorsqu’il est arrivé je crois un ou deux jours à l’avance, à l’acceuil, à l’aéroport, il y avait le ministre de l’administration territoriale de la Transition, il lui a dit qu’il ne connaissait pas la Côte d’Ivoire. Bon, il était étonné, un Burkinabè de ce niveau là qui n’a jamais été en Côte d’Ivoire et il a sorti sa carte de visite, il a mis son numéro personnel et il a dit: »Vous m’appelez quand vous voulez pour venir en Côte d’Ivoire, je m’occupe de tout. »
Et ça s’était Hamed, ce qu’il faisait, des gestes spontannés comme ça! Pour lui l’amitié, la fraternité, c’était sacré.

Comment vous vous êtes connus?

Moi je suis journaliste hein, lui il a été dans le monde des médias, politique par la suite, donc forcément nos chemins se sont croisés et la relation a évoluée et est devenue une forte relation d’amitié et de fraternité.
Très proche de la population, très proche de ses amis, des artistes.

Comment vous expliquez ce comportement qui singularisait Hamed Bakayoko?

A chaque fois que vous voyiez Hamed Bakayoko, il était entouré de gens, de toute sorte de gens. Comme je le disais tantôt ça pouvait être une simple personne qui a été juste son camarade de classe, qui, peut-être aujourd’hui n’est pas à un niveau très élevé mais qui restait toujours son ami. C’est quelqu’un qui ne niait pas son passé. Il aimait parler de son passé avec beaucoup de fierté notamment sa relation avec le Burkina Faso et l’apprentissage politique qu’il a fait au Burkina Faso, il en parlait toujours avec beaucoup d’enthousiasme et de fierté. D’ailleurs en marge du TAC 2017 à Ouagadougou ici, il est allé à la découverte de l’ancien celibatorium qu’il a habité au moment où il était étudiant, et il promettait d’amener ses enfants un jour pour venir visiter cette cour commune avec les toilettes, les douches à l’extérieur, (il faisait ces commentaires là) qui sont loin de la réalité dans laquelle il était et la réalité dans laquelle se trouvaient ses enfants mais il tenait à ce qu’ils le découvrent. Donc c’est quelqu’un qui ne reniait pas son passé, il avait la fierté de parler de cette relation avec le Burkina auquel il était très attaché et c’était important et ça aidait aussi dans la relation entre les deux pays.

Quel impact ce décès pourrait avoir sur les relations entre les deux pays?

Hamed Bakayoko était un grand ami du président Roch Marc Christian Kaboré, ils se connaissent depuis longtemps donc c’est une perte pour chacun de nous personnellement parce qu’on avait des relations fraternelles, c’est aussi une grosse perte pour notre pays parce qu’on avait quelqu’un qui était j’allais dire à moitié Burkinabè. Cependant, nous avons des relations quand-même solides entre les deux Etats, nous prions Dieu de nous donner la force de pouvoir surmonter cette épreuve qui n’est pas du tout facile à digérer, donc la douleur est très immense.

Quel est votre message à l’endroit du peuple ivoirien?

Je voudrais rendre hommage à titre personnel à un ami, à un frère, un hommage pour la qualité des relations que nous avons eu, pour la considération que nous avons eu l’un pour l’autre. Egalement pour le fait que c’était un homme généreux, un homme serviable, un homme vraiment disponible et toujours quelqu’un qui avait envie de faire plaisir à son prochain, c’était ça Hamed, il n’hésitait pas à inviter. En Janvier dernier il m’avait invité, il me disait que le Burkina a fini avec les élections et que je devais venir me reposer quelques jours pour qu’on soit ensemble. Evidemment les agendas sont toujours chargés et on avait espérer le recevoir à Banfora lors du 11 décembre, on avait tout préparé lorsque la visite a été annulée au dernier moment justement à cause d’une crise de paludisme. Je voudrais vis à vis de sa famille leur présenter mes condoléances les plus émues, leur dire toute ma compassion, dire combien nous sommes attristés et prier pour le repos de son âme et prier aussi pour que Dieu donne la force à son épouse, à ses enfants et ses frères, tous ses proches de surmonter cette épreuve qui n’est pas du tout facile parce que Hamed c’était quelqu’un qui était plein de vie, c’est quelq’un qui est vraiment présent, qui est attachant et apprendre à vivre sans cette personne ce n’est pas du tout facile. C’est la vie, ce que Dieu nous réserve on doit se préparer à y faire face et c’est ce que nous allons faire.

Entretien réalisé par Ousmane Paré,

Retranscrit par Alinta Ouedraogo

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