🔴Mouvement sportif au Burkina : Très peu de femmes au pouvoir

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Stella Tapsoba a obtenu en août 2020 la confiance des clubs pour diriger la Fédération de handball

La pratique du sport s’est féminisée au Burkina Faso ces dernières années et plusieurs femmes ont offert au pays de nombreuses médailles dans des disciplines individuelles et collectives sur l’échiquier africain et mondial. Marthe Yasmine Koala (athlétisme), Gloria Guissou (karaté), Victorine Guissou (handisport), Awa Bamogo (cyclisme) ont fait raisonner l’hymne national dans plusieurs stades. Si la gente féminine a contribué à étoffer l’armoire à trophée du Burkina Faso, le pays à l’image d’autres de la sous-région ouest-africaine est confronté à un écart persistant entre les sexes dans les postes de décisions. Elles ne sont que deux (02) femmes, à diriger des fédérations sportives sur les 37 que compte le pays, dont 24 fédérations de sports olympiques. C’est très loin du référent national de 30% qui invite à l’effort de féminisation du mouvement sportif national.

Rolande Boro, première femme présidente d’une fédération au Burkina Faso

Le Burkina Faso va lentement mais peut-être sans trop de volonté dans le changement en matière d’égalité de sexes dans le mouvement sportif. Les femmes aux postes de présidentes de fédérations, on en trouve très peu. Seulement deux (02) postes de présidents sur les 37, soit un taux de 5%. Rolande Boro est considérée comme celle qui a donné un visage féminin à la gestion des fédérations sportives au Burkina Faso. Cette ancienne joueuse de rugby est à la tête de la Fédération Burkinabè de Rugby (FBR) depuis huit (08) ans. Une femme à la tête d’une fédération comme le rugby, « c’est une question de conviction et de passion» justifie t-elle car à un moment donné et au regard de ce qu’elle avait comme culture du rugby, elle était « convaincue que c’est un sport qui a beaucoup à donner aux Burkinabè pour peu que l’on travaille à plus le vulgariser». Rolande Boro n’a pas cédé aux difficultés, consciente que cela pourrait décourager d’autres femmes à se porter candidate pour occuper le même poste au sein d’un comité exécutif. En mars 2023, elle a bénéficié de la confiance de ses pairs en Afrique en intégrant le bureau de Rugby Afrique. Pour elle, c’est la preuve «qu’on ne juge pas les gens en fonction d’où ils viennent mais de ce qu’ils font. Ensuite, ça donne une autre vision du rugby : ce n’est pas qu’un sport d’hommes» et cela a renforcé sa crédibilité aux yeux des autorités.

La présence de Rolande Boro à la tête de la Fédération Burkinabè de Rugby a donné des idées à Stella Tapsoba. Après avoir occupé le poste de secrétaire à l’information et à la communication de la Fédération Burkinabè de Handball, l’ancienne joueuse a décidé de briguer la présidence en août 2020. Pari réussi. Depuis 4 ans, cette communicatrice de formation travaille à lutter contre les préjugés et surtout le traitement inégal des équipes féminines.

Le Comité National Olympique et des Sports Burkinabè montre la voie

Elles sont donc rares, ces femmes dans les instances de direction du sport au Burkina Faso. Elles sont pour la plupart chargées à l’organisation, trésorière ou secrétaire à l’information…Ce qui n’est pas surprenant car au niveau même de la gouvernance nationale du sport, très peu de positions de responsabilités stratégiques sont accordées aux femmes. Pour preuve, aucune femme n’a déjà occupé le poste de Ministre des Sports. Les choses sont peut-être en train de bouger avec la récente nomination de Valérie Badolo à la Direction générale des Sports.

Dans ce lot, se dégage un bon élève: le Comité National Olympique et des Sports Burkinabè (CNOSB) avec une représentativité féminine de 30% dans les instances dirigeantes. Un chiffre qui va en droite ligne avec la politique de promotion de l’égalité des genres mise en place par le Comité International Olympique (CIO) qui encourage les comités nationaux olympiques (CNO) a atteindre une représentativité féminine d’au moins 30% dans les instances dirigeantes. Mais d’un point de vu général, les femmes occupent des postes moins visibles que ce soit dans les structures chargées de la mise en œuvre de la politique du sport, le comité national olympique ou les fédérations sportives. S’agit-il d’un manque de potentiel des femmes à occuper des postes de responsabilités ? La réponse est évidemment non et c’est une question à réponses multiples.
Ce faible taux peut être attribué à plusieurs facteurs interconnectés.

Un membre d’une structure sportive qui a tenu à garder l’anonymat explique qu’il font vraiment de leur mieux. « L’idéal ce sont les 30% mais dans la pratique c’est très difficile. C’est compte tenu même de la disponibilité des femmes. Il y a des réunions jusqu’à 21h, certaines ne tiennent pas. Au niveau des fédérations elles sont rares. Quand elles rentrent, le mandat suivant elles veulent partir. Souvent l’époux n’est même pas d’accord pour qu’elle se déplace » a t-il déploré. De ce qui précède, il ressort que les femmes sont souvent chargées des responsabilités familiales et domestiques, ce qui peut limiter le temps et l’énergie qu’elles peuvent consacrer à des activités et des rôles exigeants comme le leadership sportif.

«La discrimination et les préjugés sexistes jouent un rôle significatif dans la faible représentativité des femmes» (Alice Koné, membre du CNOSB)
Alice Koné, membre du CNOSB,

Cet argument est soutenu par Alice Koné, l’une des figures du sport féminin au Burkina Faso. L’ancienne joueuse de basketball et de rugby, aujourd’hui membre du Comité National Olympique et des Sports Burkinabè et de l’Union Nationale des Supporters des Etalons (UNSE) y voit des facteurs culturels et sociaux. « Les traditions et les normes culturelles au Burkina Faso tendent à valoriser les rôles traditionnels de genre, où les femmes sont souvent encouragées à se concentrer sur les responsabilités domestiques et familiales plutôt que sur des rôles de leadership, en particulier dans des domaines perçus comme masculins tels que le sport».

Tout un chapelet de facteurs

Mais la raison profonde selon elle serait le manque de modèles féminins, l’absence de femmes dans des rôles de leadership sportif pouvant créer un cercle vicieux où les jeunes filles et femmes ne voient pas de modèles à suivre, réduisant leur ambition ou leur confiance à postuler pour ces positions. « Quand je sors, il y a beaucoup de filles qui viennent vers moi. Je les encourage et en même temps, je dis que le chemin est difficile. Il faut faire un référencement de tous les modèles, les retrouver, les encourager à encourager les plus jeunes à atteindre leur niveau et à faire mieux» a t-elle conseillé.

Les raisons de la faible représentativité des femmes dans les instances dirigeantes sont aussi liées à l’accès limité des femmes à des opportunités d’éducation et de formation dans le domaine du sport et de la gestion sportive. Cela a pour conséquence la réduction de « leur qualification et leur préparation pour des postes de leadership» selon Alice Koné. À celà s’ajoutent la discrimination et les préjugés sexistes qui jouent un rôle significatif. Elle confie en effet que les femmes peuvent faire face à des obstacles supplémentaires lorsqu’elles tentent de gravir les échelons dans les organisations sportives, y compris des biais implicites ou explicites contre leur capacité à diriger. Cette situation est une limite aux réseaux et aux soutiens de la femme, dans la mesure où « les réseaux professionnels et les opportunités de mentorat pour les femmes peuvent être moins développés dans le secteur sportif, limitant leur accès à des conseils, des soutiens et des opportunités de progression». L’absence ou l’insuffisance de politiques et de mesures visant à promouvoir l’inclusion des femmes dans les instances dirigeantes sportives n’est pas à négliger. « Des quotas ou des programmes de mentorat peuvent aider, mais ils ne sont pas toujours en place ou efficacement mis en œuvre» déplore la spécialiste du sport féminin.

Stella Tapsoba a obtenu en août 2020 la confiance des clubs pour diriger la Fédération de handball

Ces facteurs combinés créent un environnement dans lequel il est difficile pour les femmes de progresser et occuper des postes de direction dans les instances sportives au Burkina Faso. Aborder ces questions nécessite des efforts concertés pour changer les normes culturelles, améliorer l’accès à l’éducation et à la formation et mettre en œuvre des politiques d’inclusion et de soutien. Pour y remédier, il est impératif de fixer des objectifs de représentation féminine. Par exemple 30 % pour commencer, en ligne avec les recommandations du CIO. Envisager l’introduction de quotas pour garantir une représentation minimale des femmes dans les conseils d’administration et les comités exécutifs, mettre en place des programmes de formation et de mentorat pour préparer les femmes aux rôles de leadership, mener des campagnes de sensibilisation pour changer les perceptions et encourager plus de femmes à s’impliquer dans la gestion sportive, établir des mécanismes de suivi et d’évaluation pour mesurer les progrès et ajuster les stratégies en conséquence. En adoptant ces mesures, le Burkina Faso peut travailler à améliorer la représentativité des femmes dans les instances dirigeantes sportives, alignant ainsi ses pratiques avec les meilleures normes internationales.

Bernabé Kabré, Oméga Médias

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