🔮 URGENT – La Cour europĂ©enne des droits de l’homme s’oppose Ă  l’extradition de François CompaorĂ©

0
2713
In this photograph taken on December 20, 2012, Francois Compaore, brother of the deposed Burkinabe president Blaise Compaore, looks on during a summit in Ouagadougou. Francois Compaore, brother of the deposed Burkinabe president Blaise Compaore, was released under judicial supervision on October 30, 2017, after he was detained on October 30, under an international arrest warrant issued by Burkina Faso, after landing at Roissy airport in Paris, as part of an investigation into the assassination in 1998 of celebrated investigative journalist Norbert Zongo. / AFP PHOTO / Ahmed OUOBA

La Cour europĂ©enne des droits de l’homme a rejetĂ©, jeudi, la demande d’extradition de François CompaorĂ©, frĂšre cadet de l’ancien PrĂ©sident Blaise CompaorĂ©, vers le Burkina. La cour estime que le pays – dans sa situation actuelle – ne permet pas de garantir un meilleur traitement Ă  François CompaorĂ©, accusĂ© d’avoir incitĂ© Ă  assassiner le journaliste Norbert Zongo en dĂ©cembre 1998.

Selon l’arrĂȘt de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, la mise Ă  exĂ©cution du dĂ©cret d’extradition de François CompaorĂ© vers le Burkina Faso « entrainerait une violation faute d’une apprĂ©ciation ex nunc par les autoritĂ©s françaises de la validitĂ© et de la fiabilitĂ© des assurances diplomatiques fournies par cet État, de nature Ă  Ă©carter le risque pour le requĂ©rant d’emprisonnement ou Ă  de traitements contraires Ă  l’art 3 ». Aussi, la cour Ă©voque des « changements politiques majeurs touchant au maintien de l’ordre constitutionnel dans l’État d’accueil ».

En juillet 2021, Francois CompaorĂ© avait « saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales (« la Convention »), la dĂ©cision de porter Ă  la connaissance du gouvernement français (« le Gouvernement ») le grief fondĂ© sur l’article 3 de la Convention et de dĂ©clarer la requĂȘte irrecevable pour le surplus, la dĂ©cision du 6 aoĂ»t 2021 du juge de la Cour dĂ©signĂ© pour statuer sur les demandes de mesures provisoires, d’indiquer au gouvernement français, sur le fondement de l’article 39 du rĂšglement, de ne pas extrader le requĂ©rant pendant la durĂ©e de la procĂ©dure devant la Cour et d’accorder la prioritĂ© Ă  cette affaire (
) ».

L’arrĂȘt qui retrace les diffĂ©rentes Ă©tapes de la procĂ©dure !

En juillet 2017, la justice BurkinabĂš a lancĂ© un mandat d’arrĂȘt international contre le frĂšre cadet de Blaise CompaorĂ©. Le 29 octobre 2017, alors qu’il rentrait en France en provenance de la CĂŽte d’Ivoire, François CompaorĂ© a Ă©tĂ© interpelĂ© Ă  l’aĂ©roport Roissy-Charles de Gaulle en exĂ©cution du mandat d’arrĂȘt susmentionnĂ©. Le lendemain, une demande d’extradition des autoritĂ©s BurkinabĂš a Ă©tĂ© transmise aux autoritĂ©s françaises, au visa de l’Accord de coopĂ©ration en matiĂšre de justice du 24 avril 1961 signĂ© entre la France et le Burkina Faso, en raison des poursuites en cours pour les faits « d’incitation Ă  assassinats ».

Le juge d’instruction de Ouagadougou y relatait les circonstances du dĂ©cĂšs non accidentel du journaliste Norbert Zongo et de trois autres personnes, le 13 dĂ©cembre 1998. Il dĂ©taillait Ă©galement les causes de la rĂ©ouverture de l’instruction judiciaire initialement clĂŽturĂ©e en 2006 dans les termes suivants : « la rĂ©ouverture du dossier pour charges nouvelles le 7 avril 2015 a Ă©tĂ© motivĂ©e par la dĂ©couverte au domicile de Paul François CompaorĂ© de plusieurs documents laissant penser que non seulement il suivait les faits et gestes de Norbert Zongo et ce depuis 1996, mais qu’il Ă©tait aux petits soins des prĂ©sumĂ©s exĂ©cutants de l’assassinat du journaliste et de ses compagnons et ce avant et aprĂšs le 13 dĂ©cembre 1998 ».

La demande d’extradition a Ă©tĂ© complĂ©tĂ©e par un courrier du mĂȘme jour, par lequel le ministre de la Justice du Burkina Faso s’engageait Ă  ne pas requĂ©rir la peine de mort Ă  l’encontre du requĂ©rant et, si elle Ă©tait prononcĂ©e par le juge du siĂšge indĂ©pendant, de ne pas la ramener Ă  exĂ©cution.

Le 30 octobre 2017, François CompaorĂ© a Ă©tĂ© remis en libertĂ© et placĂ© sous contrĂŽle judiciaire avec l’interdiction de sortir du territoire français.

Le 24 novembre 2017, le ministre de la Justice du Burkina Faso adressa Ă  la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris saisie de la requĂȘte en extradition, des prĂ©cisions sur « la pratique de la commutation de la peine de mort en emprisonnement Ă  vie » ainsi que sur les conditions de dĂ©tention, reconnues comme Ă©tant « difficiles » dans certains Ă©tablissements pĂ©nitentiaires du pays.

Toutefois, il souligna l’existence de conditions « trĂšs amĂ©liorĂ©es par rapport Ă  la situation gĂ©nĂ©rale » au sein de la maison d’arrĂȘt et de correction de Ouagadougou oĂč Ă©taient incarcĂ©rĂ©es les hautes personnalitĂ©s du Burkina Faso, telles que le requĂ©rant, avec un taux d’occupation moyen en 2015 de 75 %.

Le 23 août 2018, les autorités burkinabÚ ont présenté de nouvelles garanties par la voie diplomatique.

Par un arrĂȘt du 5 dĂ©cembre 2018, la chambre de l’instruction Ă©mit un avis favorable Ă  la demande d’extradition du requĂ©rant.

Le requĂ©rant forma un pourvoi en cassation. Par un premier arrĂȘt du 4 juin 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta la demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalitĂ© (QPC) formĂ©e par le requĂ©rant et par laquelle il contestait la conformitĂ© Ă  la Constitution de l’article 696‑15 du CPP, qui limite notamment la facultĂ© de former un pourvoi contre un avis de la chambre de l’instruction aux seuls cas de vices de forme de nature Ă  priver cet avis des conditions essentielles de son existence lĂ©gale.

Par un second arrĂȘt du 4 juin 2019, la Cour de cassation rejeta le pourvoi dans les termes suivants quant au moyen du requĂ©rant tirĂ© de la violation de l’article 3 de la Convention :

Le 16 dĂ©cembre 2019, le ministre de la Justice du Burkina Faso rĂ©pondit Ă  une demande d’informations complĂ©mentaires du ministre de la Justice français afin d’actualiser les prĂ©cĂ©dentes assurances fournies par les autoritĂ©s burkinabĂš Ă  la chambre de l’instruction.

Par un dĂ©cret du 21 fĂ©vrier 2020, le Premier ministre français, aprĂšs avoir relevĂ© l’absence de motivation politique de la demande d’extradition, autorisa l’extradition du requĂ©rant vers le Burkina Faso au visa des derniĂšres assurances diplomatiques reçues.

En dĂ©cembre 2020, le requĂ©rant forma un recours pour excĂšs de pouvoir Ă  l’encontre du dĂ©cret devant le Conseil d’État.

Le 2 avril 2021, le ministre de la Justice burkinabÚ apporta une réponse comportant les assurances demandées.

Par un arrĂȘt du 30 juillet 2021, le Conseil d’État rejeta le recours.

Dans une derniĂšre note diplomatique adressĂ©e au ministre de la Justice français le 7 janvier 2022, la ministre de la Justice burkinabĂš confirma les conditions d’amĂ©nagement des peines de prison Ă  vie prĂ©cĂ©demment indiquĂ©es au gouvernement français mais releva toutefois qu’aucun exemple d’application Ă  un condamnĂ© ne pouvait ĂȘtre fourni en raison du caractĂšre rĂ©cent de ces dispositions du CPP, en particulier s’agissant de l’octroi d’une libĂ©ration conditionnelle, seules des autorisations de sorties pour raisons familiales ou de santĂ© ayant Ă©tĂ© accordĂ©es Ă  des condamnĂ©s Ă  vie par le juge de l’application des peines.

Le 6 aoĂ»t 2021, la Cour, saisie par le requĂ©rant d’une demande de mesure provisoire au titre de l’article 39 de son rĂšglement aux fins de suspension de son extradition vers le Burkina Faso, dĂ©cida, aprĂšs un premier ajournement en vue de poser des questions au gouvernement français, d’indiquer Ă  ce dernier de ne pas extrader le requĂ©rant pendant la durĂ©e de la procĂ©dure devant elle.

Le 13 dĂ©cembre 1998, Norbert Zongo, directeur de publication du journal d’investigation « L’IndĂ©pendant », a Ă©tĂ© assassinĂ© au sud de Ouagadougou. Le journaliste enquĂȘtait sur la mort suspecte de David Ouedraogo, le chauffeur de François CompaorĂ©, survenue en 1997 dans des circonstances mystĂ©rieuses. Un assassinat qui avait suscitĂ© un Ă©moi au Burkina Faso et avait conduit Ă  une grave crise sociopolitique.

ConsidĂ©rĂ© comme le suspect numĂ©ro un dans cette affaire, avec la complicitĂ© de membres de l’ancienne garde prĂ©torienne, François CompaorĂ© avait bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un non-lieu en 2006. Pendant les 27 annĂ©es de rĂšgne de son frĂšre, Blaise CompaorĂ©, François CompaorĂ©, surnommĂ© le « petit prĂ©sident » par la presse BurkinabĂš, avait Ă©tĂ© son fidĂšle et discret conseiller.

En 2015, le dossier Norbert Zongo a Ă©tĂ© rouvert Ă  la faveur d’un gouvernement de transition, Blaise CompaorĂ© ayant Ă©tĂ© chassĂ© du pouvoir en 2014 par une insurrection populaire.

 

Lamine Traoré / Oméga médias

Laisser un commentaire