Les organisations professionnelles des mĂ©dias ont condamnĂ©, samedi 18 dĂ©cembre 2022, les menaces contre Newton Ahmed Barry, Lamine TraorĂ© et OmĂ©ga mĂ©dias. Tout en apportant leur soutien aux journalistes victimes de « harcĂšlement », les OPM ont dĂ©noncĂ© « une remise en cause de la libertĂ© de presse (…) une volontĂ© de dicter des contenus aux mĂ©dias et de conditionner les opinions des Journalistes et celles des populations en gĂ©nĂ©ral ».
Déclaration des OPM sur la situation dans les médias
Au Burkina Faso, la presse traverse des moments difficiles du fait de la volontĂ© des autoritĂ©s de contrĂŽler lâinformation. On assiste Ă une remise en cause du libre exercice des professionnels des mĂ©dias, avec au quotidien des menaces de sanctions de la part des autoritĂ©s et une terreur exercĂ©e sur les journalistes par des groupuscules instrumentalisĂ©s au sein de la population. Il se dĂ©veloppe un discours de haine anti journalistes au point quâil n’est pas exagĂ©rĂ© de dire quâil ne fait pas bon dâĂȘtre un journaliste professionnel ou encore un dĂ©fenseur de la libertĂ© de la presse par ces temps qui courent dans notre pays. Dire la vĂ©ritĂ© ou encore relater les faits, valeur sacrĂ©e de notre profession, est devenue un crime qui peut valoir Ă un mĂ©dia une suspension, sans autre forme de procĂšs, ou la mise Ă prix de la tĂȘte dâun journaliste. Les derniers Ă©vĂšnements, harcĂšlement du groupe OmĂ©ga mĂ©dias, suspension de Radio France internationale (RFI) menace de mort contre notre confrĂšre Newton Ahmed Barry et les journalistes de façon gĂ©nĂ©rale, montrent aux yeux de tous quâau-delĂ de la remise en cause de la libertĂ© de la presse, il y a une volontĂ© de dicter des contenus aux mĂ©dias et de conditionner les opinions des journalistes et celles des populations en gĂ©nĂ©ral. Face au contexte sĂ©curitaire combien difficile, les autoritĂ©s de la Transition ne doivent pas se tromper dâennemi et rĂ©duire la presse en un bouc Ă©missaire.
Le PrĂ©sident Ibrahim TraorĂ© a affirmĂ©, Ă lâoccasion dâune rencontre avec les acteurs des mĂ©dias, quâil ne demande pas aux journalistes de faire ses Ă©loges, mais, la façon de concevoir le travail des mĂ©dias tel que nous le percevons ces derniers jours, ressemble fort Ă une incitation aux louanges. On veut mettre la presse dans une camisole qui ne lui laisse aucune chance de faire un travail professionnel. Dans ce contexte, les soutiens zĂ©lĂ©s du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR 2), aveuglĂ©s par une haine inexplicable et une hostilitĂ© Ă la critique, portent publiquement les rĂ©criminations de leurs mentors, rendant ainsi lâexercice du mĂ©tier de journaliste pĂ©rilleux, surtout lorsquâil sâagit de porter un regard critique sur la gouvernance et la conduite des tenants du pouvoir. Les appels au meurtre contre Newton Ahmed Barry, Lamine TraorĂ© de Radio OmĂ©ga, le groupe OmĂ©ga mĂ©dias et toute autre personne qui critiquerait la gouvernance du Capitaine TraorĂ©, en sont des illustrations Ă©loquentes. Les organisations professionnelles des mĂ©dias (OPM) signataires de la prĂ©sente dĂ©claration manifestent leur soutien indĂ©fectible aux confrĂšres menacĂ©s. Nous prenons acte du communiquĂ© du gouvernement suite Ă la diffusion des audios sur les rĂ©seaux sociaux profĂ©rant des menaces contre nos confrĂšres.
Nous prenons Ă©galement acte de la dĂ©termination du Gouvernement Ă traquer les responsables de ces menaces, exprimĂ©e par le Ministre en charge de la Communication, Jean Emmanuel OuĂ©draogo, lors de sa rencontre avec les Organisations professionnelles des mĂ©dias le mardi 06 dĂ©cembre 2022. Cependant, nous constatons que les auteurs de ces menaces continuent de sâen vanter sur les rĂ©seaux sociaux et ne semblent nullement inquiĂ©tĂ©s. Aussi, nous interpellons le PrĂ©sident de la Transition sur les dĂ©rives de ses soutiens qui lui octroient le droit de vie ou de mort sur ces concitoyens et lâinvitons Ă se dĂ©marquer ouvertement de ces individus qui poussent le cynisme et la haine jusquâĂ traiter leurs compatriotes dâanimaux que lâon peut Ă©gorger sans Ă©tat dâĂąme.Nous tenons les gouvernants et leurs soutiens pour responsables des risques que font peser les messages audios et vidĂ©os de la haine qui circulent sur les rĂ©seaux sociaux sur la sĂ©curitĂ© physique et matĂ©rielle des journalistes et des mĂ©dias. Dans ce contexte dâinsĂ©curitĂ©, il appartient aux autoritĂ©s de crĂ©er les conditions favorables Ă lâexercice du mĂ©tier de journaliste et la libre expression des opinions.Les OPM sont beaucoup plus peinĂ©es du fait que ces messages attentatoires Ă la libertĂ© dâexpression et de la presse, de mĂȘme que la rĂ©cente « suspension jusquâĂ nouvel ordre de la diffusion des programmes de RFI sur lâensemble du territoire national » interviennent Ă quelques jours du triste 13 dĂ©cembre 2022, 24e anniversaire de lâassassinat de notre confrĂšre Norbert Zongo. Poussant le cynisme plus loin, un des auteurs, des messages de la haine contre les mĂ©dias et les journalistes, va rĂ©cidiver dans la soirĂ©e mĂȘme du 13 dĂ©cembre 2022 Ă travers une vidĂ©o postĂ©e sur Facebook.La suspension de RFI le 3 dĂ©cembre 2022 est regrettable pour les OPM. Elle est contraire aux principes de notre mĂ©tier, le journalisme, et s’apparente Ă une dĂ©cision hautement politique. Le Gouvernement qui a hĂ©ritĂ© dâun Conseil supĂ©rieur de la communication (CSC) en crise sâest Ă©rigĂ©, en ses lieux et place, en rĂ©gulateur ; mais lâargument des manquements professionnels nâest pas trĂšs convaincant. Câest plutĂŽt un mauvais signal envoyĂ© aux soutiens du pouvoir. Il les conforte dans leur conviction quâil suffit quâils se plaignent dâun mĂ©dia pour que celui-ci soit fermĂ©. A la faveur de sa rencontre avec les organisations professionnelles des mĂ©dias (OPM) le 06 dĂ©cembre 2022, le Ministre en charge de la Communication a dit « assumer » cette dĂ©cision de suspension de RFI. Nous espĂ©rons quâil ne se laissera pas entraĂźner dans une spirale dans laquelle il va se voir contraint de fermer des mĂ©dias sur des bases politiques. Le Gouvernement doit changer de posture vis-Ă -vis des mĂ©dias et des journalistes. Cela passe dâabord par lâaccĂšs aux sources dâinformation. Il faut rappeler que les dĂ©crets dâapplication de la loi relative Ă lâaccĂšs Ă lâinformation publique, votĂ©e depuis 2015, ne sont pas encore pris.
Le pouvoir du MPSR, et celui du MPSR 2, semblent plutĂŽt vouloir tenir les mĂ©dias Ă lâĂ©cart notamment des activitĂ©s touchant la sĂ©curitĂ© nationale et, Ă©voluer ainsi Ă huis clos. Ainsi, les mĂ©dias, ne pouvant plus ĂȘtre tĂ©moins de certains Ă©vĂšnements et se trouvent abreuvĂ©s de communiquĂ©s et de prĂȘts Ă diffuser servis par le service de communication de la PrĂ©sidence du Faso. Cette posture viole le droit constitutionnel des citoyens Ă lâinformation et fragilise la crĂ©dibilitĂ© des mĂ©dias et des journalistes alors mĂȘme quâils ont un grand rĂŽle Ă jouer dans ce contexte dâinsĂ©curitĂ©. Les organisations professionnelles des mĂ©dias saluent et notent avec satisfaction la prise du dĂ©cret prĂ©sidentiel portant nomination du PrĂ©sident du CSC. Cet acte tant attendu vient, nous lâespĂ©rons bien, mettre un terme Ă la crise au sein du CSC qui a plongĂ©e lâinstitution dans une lĂ©thargie fort prĂ©judiciable au secteur des mĂ©dias depuis au moins six mois. Cela est Ă mettre Ă lâactif du MPSR 2 et il faut espĂ©rer vivement quâil va cesser dâĂȘtre un obstacle au travail des journalistes et des mĂ©dias. Nous espĂ©rons Ă©galement que câest le dĂ©but de la prise en compte sĂ©rieuse des mĂ©dias dans les politiques et stratĂ©gies de lutte contre le terrorisme. Les mĂ©dias ne sont pas le problĂšme dans cette guerre injuste imposĂ©e au Burkina Faso. Et le pouvoir du MPSR 2 et ses soutiens doivent donc cesser de le faire croire Ă une certaine opinion. Il ne sert Ă rien de proclamer que cette guerre ne peut ĂȘtre gagnĂ©e sans la communication et adopter une attitude contraire en empĂȘchant la presse de faire son travail.
La communication est essentielle pour gagner la guerre contre le terrorisme mais absolument pas nâimporte quelle communication. Et la direction que prend le MPSR 2 en la matiĂšre nâest guĂšre rassurante.Dans son histoire, le peuple burkinabĂš a montrĂ© son attachement rĂ©solu Ă la libertĂ©. Il sâest battu pour arracher dâĂ©normes acquis en matiĂšre de libertĂ© de façon gĂ©nĂ©rale, et de libertĂ© dâexpression et de la presse en particulier. En dĂ©pit des drames que ce peuple a vĂ©cus, il nâa jamais renoncĂ© Ă ses aspirations Ă la libertĂ©. Ce sera Ă lâhonneur du MPSR 2 de concilier la lutte contre le terrorisme et la lutte pour la consolidation des libertĂ©s individuelles et collectives, pour le dĂ©veloppement et lâĂ©panouissement de notre nation. Câest la seule façon de focaliser et de mobiliser tout le peuple sur la lutte contre le terrorisme et dâĂ©viter de multiplier inutilement les fronts. Les journalistes et assimilĂ©s, les travailleurs des mĂ©dias, les patrons de presse, pour ceux qui lâignorent encore, sont une composante pleine et entiĂšre du peuple burkinabĂš et ont une haute conscience des intĂ©rĂȘts de notre chĂšre patrie, plus que certains de ceux qui les agressent et les dĂ©nigrent Ă longueur de journĂ©e. En leur nom, les Organisations professionnelles de mĂ©dias signataires de la prĂ©sente :apportent leur soutien ferme Ă tous les confrĂšres et Ă tous les mĂ©dias inquiĂ©tĂ©s ; apportent leur soutien aux forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ©, aux volontaires pour la dĂ©fense de la patrie et au peuple combattant ; compatissent au deuil des familles des victimes militaires et civiles du terrorisme et Ă la douleur des blessĂ©s et des dĂ©placĂ©s ; condamnent la suspension de RFI ; condamnent les menaces contre les confrĂšres Newton Ahmed Barry et Lamine TraorĂ© ;interpellent les autoritĂ©s quant Ă leur responsabilitĂ© Ă assurer la sĂ©curitĂ© des mĂ©dias et celle des journalistes ; encouragent la justice, notamment le Procureur du Faso, Ă engager et faire aboutir les poursuites contre les auteurs de menaces contre les mĂ©dias et les journalistes ; dĂ©noncent et mettent en garde tous ces individus tĂ©lĂ©guidĂ©s ou non, qui, par ces agissements, mettent en pĂ©ril la libertĂ© dâexpression et de la presse ; dĂ©plorent et rejettent les mesures restrictives quant Ă la couverture des actualitĂ©s de la PrĂ©sidence du Faso et celles du Gouvernement.
Fait à Ouagadougou, le 18 décembre 2022
Pour le CNP-NZ
Le Président
Guézouma Sanogo
Pour lâAJB
Le Secrétaire Général
Boukari Ouoba
Pour la SEP
Le Président
Boureima Ouédraogo
Pour le SYNATIC
Le Secrétaire Général
Siriki Dramé
Pour lâUBESTV,
Le Président
Issoufou Saré
Pour lâAEPJLN
,Le Coordinateur
Evariste Zongo
Pour lâUNALFA,
Le Président
Lamoussa Jean-Baptiste Sawadogo
Pour lâAPAC,
La Présidente de la transition
Bénédicte Sawadogo
 Pour lâARCI,
Le Président
Bélibié Soumaïla Bassolé
Pour lâAEPML
,Le Président
Dr. Cyriaque Paré
Pour lâOBM,
Le Président Hamado Ouangraoua