🔴 [INVITE] – Terrorisme – « La stratégie actuelle est inopérante et inefficace ». (Inoussa Ouédraogo, journaliste)

L’invité de la rédaction est Inoussa Ouédraogo, Directeur de publication du journal « Bendré ». Avec lui, on parle des attaques de Seytenga qui ont fait selon les autorités 86 morts et des centaines de déplacés vers Dori. Pour le journaliste, il faut situer les responsabilités de ces attaques d’envergures contre les populations civiles. Selon le Directeur de publication, il faut changer de stratégie car celle adoptée jusque-là est inopérante et inefficace et il faut absolument changer de paradigme. Inoussa Ouédraogo est interrogé par Lamine Traoré.

Radio Oméga : 86 morts, dans les attaques de Seytenga, encore une autre attaque meurtrière qui rappelle celle de Yirgou, Solhan, ou encore Inata…

Inoussa Ouédraogo : Hélas on pensait que ça allait être la der des ders on pensait que nos autorités allaient tirer toutes les leçons de ce qui est advenu de par le passé et qu’elles allaient anticiper afin que ce genre de drame ne se reproduise plus jamais. Ce qui est arrivé ne ressemble pas à notre armée. Le fait qu’ils aient tapé n’est pas le problème mais le fait que nous ne réagissions pas à ces attaques c’est ça le drame.

Radio Oméga : Le gouvernement avait d’abord annoncé 50 morts, pour ensuite communiquer 79 et enfin 86 morts, vous croyez à tous ces chiffres annoncés ?

Inoussa Ouédraogo : C’est difficile de croire à ces chiffres parce que nos autorités malheureusement nous ont habitués à ce genre d’attitude qui consiste à donner les informations par dose homéopathique. Ce type de communication ne tient plus parce que nous sommes dans un monde où l’information va vite, où les populations, quelque soit là où elles se trouvent, ont l’information de façon instantanée. Donc entre ce que les autorités disent officiellement et ce que les sources locales disent il semble avoir un écart. Finalement qui dit la vérité entre ceux qui parlent d’une centaine de morts et ceux qui parlent de 70, 80 morts comme les autorités? On a du mal à savoir finalement où se trouve la vérité, mais le plus important c’est que des burkinabè sont tombés que ce soit une personne, 10 personnes ou 100 personnes, c’est que nous sommes en deuil et nous devons faire en sorte que ceux qui sont touchés puissent avoir le soutien nécessaire et surtout qu’on puisse anticiper comme je l’ai dit afin que ce genre de situation n’arrive plus.

Radio Oméga : On a cette sortie de l’ancien parti au pouvoir le MPP qui parle de 150 morts citant des sources locales…

Inoussa Ouédraogo : En tout cas je sais que plusieurs sources font état de plus de 100 morts et cette guerre des chiffres n’est pas en notre honneur. C’est pourquoi, il est important que surtout ceux qui nous dirigent puisse nous dire la vérité, toute la vérité. Quand il y a cette guerre des chiffres on le dit en Afrique et un peu partout, on ne ment pas sur les morts. L’autorité, c’est la vérité, l’autorité, c’est l’honneur, l’autorité, c’est la dignité et quand on ment sur des chiffres, j’ai peur que cette façon de faire ne ramène vraiment le pouvoir à un pouvoir de rue à la limite où les populations vont les narguer tous les jours parce que ce sont de gens qui sont habitués à ne pas dire la vérité.

Radio Oméga : Le Président Damiba s’est rendu à Seytenga et Dori, où il a lancé une traque contre les auteurs des attentats de Seytenga, discours convainquant pour vous ?

Inoussa Ouédraogo : Traque? j’ai bien envie de croire mais comme on le dit, le tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit sur sa proie et il l’a dévore. J’ai envie de voir une armée qui bondit sur nos ennemies, sur nos adversaires, sur ceux qui font couler le sang des burkinabè pour les dévorer afin que plus jamais, il n’arrive à le faire. Mais tant que ça restera des discours, j’ai bien peur qu’une fois de plus comme je le disais, nos autorités annoncent des choses qui ressemblent à des feux de paille et qu’après les populations constatent qu’elles sont laissées à elles-mêmes. La preuve palpable c’est que lorsque le Président Damiba arrive et qu’il parle aux habitants de Seytenga, il y a une armada d’armes qui sont utilisées, qui sont déployées (…) mais lorsque le Président s’en va, c’est fini. Les militaires plient bagages et c’est ce qui s’est passé malheureusement à Seytenga. C’est comme si on était venu les narguer.

Radio Oméga : Le constat est que les attaques continuent malgré l’arrivée des militaires au pouvoir que faut-il faire maintenant ?

Inoussa Ouédraogo : Il faut unir nos forces, il faut changer de stratégies parce que celle que nous avons adoptée jusque là est inopérante, est inefficace. Il faut avoir le courage de changer de paradigme cela implique une bonne gouvernance de nos forces de défense et de sécurité. Il faut avoir le courage de changer mais il faut aussi avoir le courage de situer les responsabilités. Dans le cas de Yirgou, on l’a vu, aucune responsabilité n’a été située. Dans le cas de Solhan on l’a vu aucune responsabilité n’a été située, idem pour Inata où jusque-là on attend le rapport qui a été produit. Tout se passe comme s’il fallait tout le temps protéger ceux qui ne font pas leur travail. Ces dernières semaines, ces derniers mois, on a constaté qu’en Conseil des ministres, il y avait des gens qui étaient révoqués, il y avait des gens qui étaient chassés de leur fonction alors pourquoi au niveau des militaires on ne le fait pas. Pourquoi chaque fois qu’il y a ce genre d’attaque on ne situe pas les responsabilités et qu’on ne sanctionne pas les coupables, alors que ce sont des vies humaines qui sont en jeu ? cela interroge et en plus de tout cela, il faut véritablement que les burkinabè, malgré nos différences, malgré nos divergences, malgré les critiques que nous formulons qui ne sont pas des critiques qui visent qui que ce soit, il faut que nous nous mettions ensemble, il faut que nous redéfinissons ensemble quelles sont les priorités pour notre pays.

Interview réalisée par Lamine Traoré et retranscrite par Yasmina Ouili.