Burkina : « La Cedeao est dans une situation délicate… » (Alkassoum Abdourahamane, analyste socio-politique)

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« La Cedeao est dans une situation délicate celle de travailler avec des régimes illégitimes (…) dans le cadre de la lutte antiterroriste », a déclaré́ Alkassoum Abdourahamane, analyste socio-politique, spécialisé́ sur les questions humanitaires et sécuritaires au Sahel. Il est l’invité de la rédaction. Au micro de Brigitte Yoda, il se prononce d’abord sur l’attaque terroriste au Togo et nous parle ensuite des actions à mener pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Radio Oméga : dans la nuit du 10 au 11 mai 2022, le Togo a enregistré une attaque meurtrière. Au moins 8 soldats tués et 13 autres blessés, le gouvernement parle d’attaque terroriste. Est-ce ce qu’on craignait, les groupes armés se déportent vers les pays côtiers ?

Alkassoum Abdourahmane : moi je pense que ce n’est pas ce qu’on craignait. C’est ce qui a été déjà aperçu de loin parce que dans tous les cas, y avait déjà eu des attaques en Côte d’Ivoire à Grand-Bassam. Y avait eu des attaques au Bénin et tout le monde savait que le but, l’objectif principal des groupes terroristes est d’aller vraiment au côté de la mer du côté, au côté de l’Atlantique et puis voilà prendre ou s’installer dans les pays du Golfe de Guinée et je pense qu’aujourd’hui il y a l’ombre d’aucun doute que c’est fait et qu’ils ont signé leur présence dans au moins 3 pays côtiers sachant bien sûr, qu’il y a des informations qui concernent aussi des exactions de ce genre du côté du Ghana.

Radio Oméga : L’attaque a eu lieu au nord du Togo vers la frontière burkinabè. Est-ce que vous pensez que la soixantaine d’hommes armés à moto vient du Burkina et comment analysez-vous la situation ?

Alkassoum Abdourahmane : Dans tous les cas on peut dire aujourd’hui par rapport à ce qui se passe, le Burkina est ses forces de sécurité sont en train de montrer une certaine résilience lente. Ce qui fait que dans tous les cas aussi, ce qui se passe au Burkina aujourd’hui en termes d’attaques, c’est la résistance et la résilience des forces nigériennes. Ce qu’on a vu ces dernières semaines, il y avait des opérations conjointes entre le Burkina et le Niger donc ça veut dire qu’il y a une pression. La pression a fait qu’ils ont pu trouver une échappatoire du côté du Togo et jusqu’à ce qu’ils ont fait cette attaque, peut-être qu’ils se sont déjà installés, ils ont déjà des bases arrières. Donc je pense que la pression aussi va continuer et dois continuer du côté du Togo. On peut dire que vraiment c’est la conséquence, c’est la résultante des opérations qui sont en cours aujourd’hui au niveau du Burkina qui ont créé ça. Et dans tous les cas, il faut le reconnaître si c’est le cas, le Burkina a bien fait de laisser une porte de sortie à cet ennemi et de l’autre maintenant en fonction de la résistance et de la résilience des forces togolaises, on verra. L’étau peut vraiment se resserrer aujourd’hui contre eux, avec une vraie coordination des renseignements des forces et des opérations conjointes qui maintenant seront au-delà du G5 mais à l’échelle CEDEAO.

Radio Oméga : Au-delà du G5 Sahel mais à l’échelle CEDEAO, justement que pensez-vous qu’il faut faire pour être plus efficace dans la lutte contre le terrorisme quand on sait que les pays entre eux collaborent déjà en matière de sécurité ?

Alkassoum Abdourahmane : On a vu la limite en ce sens qu’en termes de mobilisation des ressources financières pour l’achat des équipements en termes de coordination de renseignements, de coordination de force, on peut dire qu’au niveau africain, c’est un échec puisque les pays du G5 par exemple ont été laissés à eux mêmes et leurs tentatives même laconiques de mobiliser des ressources financières auprès d’autres Etats a donc vite tourné à l’échec.

Moi je pense que dans un premier temps les pays qui vont réussir cette lutte, ce sont les pays qui ont anticipé par rapport à ce qui se passe déjà au Sahel pour moderniser leur armée, créer des unités spéciales, intégrer la lutte antiterroriste dans la formation de leurs forces de défense et de sécurité et ce sont des pays qui vont s’ouvrir à la compétence à l’expérience des autres pays voisins et aussi qui vont s’ouvrir à l’expérience des autres forces occidentales ou autres forces étrangères qui ont l’expérience, qui ont fait leurs preuves ailleurs et qui ont des moyens, qui s’adaptent aujourd’hui à cette menace nouvelle.

Radio Oméga : Dans cette lutte contre le terrorisme, on a le Burkina Faso qui se trouve dans une position délicate après le coup d’État du MPSR. Le pays est dans le collimateur de la CEDEAO qui l’a suspendu de ses instances. Les nouvelles autorités estiment qu’il ne faut pas penser aux élections maintenant mais penser plutôt à la sécurité et que cela aussi il y va de la survie des autres pays de la sous-région.

Alkassoum Abdourahmane : la prise de pouvoir avec justificatif sécuritaire par des militaires démontre tout simplement l’immaturité politique des armées des États qui le font. Quand vous prenez le cas du Nigéria depuis 2009 ce pays, cet Etat fédéral fait face à une situation d’insécurité avec Boko Haram mais l’armée nigériane s’est montrée républicaine et politiquement bien dosée et bien assise pour soutenir les civils qui se sont succédés au pouvoir depuis cette période et que la lutte continue.

Donc c’est ce qu’aurait dû faire aussi les autres États comme le Mali et le Burkina et malheureusement, ça n’a pas été au rendez-vous. La CEDEAO aujourd’hui, elle est dans une situation très délicate celle de collaborer avec des régimes illégitimes, illégaux, collaborer avec eux politiquement et collaborer avec eux dans le cadre de la sécurisation de son espace, dans le cadre de la lutte antiterroriste en sachant bien sûr quel que soit sa volonté, elle risquerait de ne pas pouvoir drainer des financements adéquats venant des partenaires sûrs, ses partenaires traditionnels dans le cadre de cette lutte surtout dans des zones qui sont contrôlées par des régimes illégitimes.

Radio Oméga : Alkassoum Abdourahmane Merci !

 

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