🔮 Burkina – Digne d’intĂ©rĂȘt : Le [MPSR ] sous pression pour tenir sa promesse de sĂ©curitĂ©

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Un document de l’institut d’Ă©tudes de sĂ©curitĂ© Ă  Bamako.

La junte au pouvoir Ă  Ouagadougou a justifiĂ© le coup d’État du 24 janvier en invoquant l’incapacitĂ© du gouvernement de l’ancien prĂ©sident Roch Marc Christian KaborĂ© Ă  assurer la sĂ©curitĂ© au Burkina Faso. En faisant de la sĂ©curitĂ© son objectif premier, le rĂ©gime a fait naĂźtre dans la population l’espoir d’un retour rapide Ă  la paix et Ă  la stabilitĂ©.

Trois mois aprĂšs le putsch, cependant, l’armĂ©e n’a pas Ă©tĂ© en mesure d’inverser l’insĂ©curitĂ© croissante et des incidents violents se produisent presque quotidiennement.

Les chiffres de l’Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED) font Ă©tat de 610 attaques, impliquant principalement des groupes extrĂ©mistes violents, entre le 25 janvier et le 8 avril 2022, qui ont tuĂ© 567 personnes (graphique 1). Par rapport Ă  la pĂ©riode correspondante en 2021, le nombre d’incidents a quadruplĂ© et les dĂ©cĂšs ont triplĂ©. L’insĂ©curitĂ© montait avant le coup d’État et les extrĂ©mistes ont profitĂ© de la rupture de la chaĂźne de commandement.

Les djihadistes ont Ă©galement renforcĂ© leur emprise sur diverses rĂ©gions du pays en fĂ©vrier, notamment les rĂ©gions du Sahel, du Nord, de l’Est et du Centre-Nord. Dans la rĂ©gion du Sahel, ils contrĂŽlaient les routes vers les zones isolĂ©es. A la mi-fĂ©vrier, les extrĂ©mistes violents imposent un blocus Ă  Djibo et menacent de l’Ă©tendre Ă  Dori. Le 11 avril, dans le Centre-Nord, la sociĂ©tĂ© d’extraction d’or SociĂ©tĂ© des Mines de Taparko a Ă©tĂ© contrainte de fermer pour des « raisons de sĂ©curitĂ© ».

Le nombre dĂ©jĂ  important de personnes dĂ©placĂ©es dans le pays a augmentĂ©. Selon le Conseil national des secours d’urgence et de la rĂ©habilitation, les effectifs sont passĂ©s de 1 741 655 fin janvier Ă  1 814 283 fin fĂ©vrier, soit une augmentation de 4,17 % (graphique 2). Le Burkina Faso est confrontĂ© Ă  la plus grande crise de dĂ©placement forcĂ© au Sahel, reprĂ©sentant 64 % de toutes les personnes dĂ©placĂ©es dans la rĂ©gion.

Avec la persistance de la violence, l’euphorie initiale du coup d’État s’est apaisĂ©e, laissant place aux critiques sur l’incapacitĂ© des nouvelles autoritĂ©s Ă  rĂ©tablir la sĂ©curitĂ©. Le prĂ©sident de transition, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a imputĂ© l’absence de progrĂšs Ă  la nĂ©cessitĂ© de mettre en place des institutions de transition, qui fourniront un cadre politique pour une lutte plus efficace contre l’extrĂ©misme violent.

FĂ©vrier et mars ont Ă©tĂ© consacrĂ©s Ă  ce processus politique. Elle a abouti Ă  la dĂ©finition d’une charte prĂ©cisant la durĂ©e (36 mois) et les organes de la transition ainsi que leur composition et leurs missions. Le gouvernement et l’assemblĂ©e lĂ©gislative de la transition ont Ă©galement Ă©tĂ© installĂ©s.

Mais les BurkinabÚ ne veulent plus attendre. Si elles ne sont pas correctement prises en compte, leurs attentes pourraient conduire à une nouvelle crise politique qui pourrait plonger le pays dans une plus grande instabilité.

DĂ©but avril, Damiba a annoncĂ© que les premiers rĂ©sultats de la nouvelle stratĂ©gie seraient visibles d’ici cinq mois. Pour y parvenir, il compte sur les mesures rĂ©cemment convenues pour redynamiser la rĂ©ponse de l’État Ă  l’insĂ©curitĂ©.

Il s’agit notamment de modifications majeures de l’appareil de sĂ©curitĂ©. Les chefs des principaux commandements et des unitĂ©s opĂ©rationnelles ont Ă©tĂ© remplacĂ©s. Un nouveau commandement des opĂ©rations nationales a Ă©tĂ© crĂ©Ă© et des militaires Ă  la retraite ont Ă©tĂ© appelĂ©s pour renforcer les capacitĂ©s des forces de sĂ©curitĂ©. Les autoritĂ©s ont promis d’amĂ©liorer l’Ă©quipement et les conditions de vie des forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ©. Un audit de la gestion de l’armĂ©e a Ă©tĂ© annoncĂ©, dont les rĂ©sultats devraient servir Ă  une meilleure gouvernance interne de l’institution.

Alors que l’intensification de l’action militaire se profile, les autoritĂ©s doivent accorder la prioritĂ© Ă  la protection des civils. Les donnĂ©es de septembre 2021 attribuent 10 % des exactions contre les civils aux forces pro-gouvernementales (forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© et « volontaires pour la dĂ©fense de la patrie »). Les violations des droits des civils alimentent un Ă©tat d’esprit de vengeance chez les gens ordinaires, les rendant plus susceptibles de rejoindre ou de collaborer avec des groupes djihadistes. L’urgence de rĂ©tablir la sĂ©curitĂ© ne doit jamais justifier des raccourcis et des mĂ©thodes simplistes qui sacrifient la sĂ©curitĂ© des civils.

Outre la revitalisation de l’armĂ©e, les autoritĂ©s affichent une volontĂ© de dialogue avec les groupes armĂ©s. Les ministĂšres en charge de la rĂ©conciliation nationale et des affaires religieuses et coutumiĂšres seront les principaux interlocuteurs politiques. Dans son discours national du 1er avril, Damiba a dĂ©clarĂ© qu’il espĂ©rait que de tels dialogues impliqueraient les comitĂ©s locaux crĂ©Ă©s Ă  cet effet.

Un dialogue ad hoc a dĂ©jĂ  eu lieu , par exemple en 2020 dans la rĂ©gion de Djibo. Cela a crĂ©Ă© un calme relatif lors des Ă©lections prĂ©sidentielles. L’initiative actuelle, contrairement Ă  ses prĂ©dĂ©cesseurs, bĂ©nĂ©ficie d’un soutien institutionnel clair et d’une volontĂ© politique forte, mĂȘme si les dĂ©tails et le contenu du dialogue ne sont pas encore dĂ©finis. Pour maximiser ses chances de succĂšs, le processus doit ĂȘtre Ă©clairĂ© par l’apprentissage passĂ©.

L’efficacitĂ© des rĂ©ponses du Burkina Faso, qu’il s’agisse d’opĂ©rations militaires ou de dialogue, dĂ©pendra largement de la qualitĂ© de leur mise en Ɠuvre et de leur synchronisation. L’enchaĂźnement, la coordination et l’articulation de ces deux composantes doivent ĂȘtre clarifiĂ©es, afin qu’elles se complĂštent plutĂŽt qu’elles ne se concurrencent.

Les partenaires rĂ©gionaux et internationaux du Burkina Faso doivent dĂ©finir des stratĂ©gies d’accompagnement souples et pragmatiques, tenant compte des Ă©volutions nationales et rĂ©gionales. Ces partenaires comprennent la CommunautĂ© Ă©conomique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA), les Nations Unies et l’Union europĂ©enne.

En l’absence d’insistance pour que le Burkina Faso revienne Ă  l’ordre constitutionnel dans un dĂ©lai «raisonnable», la crĂ©dibilitĂ© de ces partenaires repose non seulement sur le strict respect des processus, mais sur des approches constructives pour aider le pays Ă  atteindre ses objectifs de sĂ©curitĂ©. Les sanctions Ă©conomiques, que la CEDEAO a menacĂ©es si les autoritĂ©s du pays ne rĂ©visaient pas le calendrier de transition, pourraient dĂ©clencher une spirale nĂ©gative et conduire Ă  une rupture des relations.

Les organisations rĂ©gionales et sous-rĂ©gionales pourraient Ă©galement s’appuyer sur l’expertise des pays voisins pour soutenir le dialogue local au Burkina Faso. Avec le retrait des partenaires europĂ©ens du Mali et les incertitudes quant Ă  leurs mĂ©canismes de soutien aux États sahĂ©liens, l’UA et la CEDEAO devraient renforcer leur engagement auprĂšs des États de la rĂ©gion en proie Ă  l’insĂ©curitĂ© et Ă  l’instabilitĂ© politique.

Fahiraman Rodrigue Koné, chercheur principal, Sahel, ISS Bamako

 

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