Invité de la Rédaction : « Ce n’est pas en mettant la presse sous le boisseau que forcément, on va avoir une gouvernance paisible et tranquille » a estimé notre invité de la rédaction, Boukari Ouoba, Secrétaire général de l’Association des journalistes du Burkina

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« Ce n’est pas en mettant la presse sous le boisseau que forcément, on va avoir une gouvernance paisible et tranquille » a estimé notre invité de la rédaction, Boukari Ouoba, Secrétaire général de l’Association des journalistes du Burkina dans une interview accordée à Oméga Médias.

Cela après la dénonciation d’une menace à la liberté d’expression et de presse portée par le MPSR, décriée par des organisations professionnelles de média dans une déclaration du lundi 25 avril.

Boukari Ouoba répond aux questions de Asmao Dao

 

Radio Oméga : Des organisations professionnelles de médias ont dans une déclaration fait part de leur inquiétude face à des menaces que fait peser le MPSR au pouvoir sur la liberté d’expression et de la presse au Burkina Faso.De quoi s’agit-il concrètement ?

Boukari Ouoba : Dans la déclaration nous relevons un certain nombre d’éléments. Par exemple, le fait que le président ne veuille pas que les journalistes le prennent en photo. C’est surtout sa garde rapprochée, qui à l’occasion d’un conseil de ministre a empêché les journalistes de prendre le président en photo. Et il se trouve qu’il y’avait déjà des photographes qui avaient fait des prises. Ils [les hommes de sa garde] ont fait supprimer ces photos. Donc cela est déplorable.

Récemment vous avez aussi constaté qu’il y’a eu une rencontre entre le président de la transition et les acteurs de médias, directeurs de publications, fondateurs, rédacteurs en chef etc. Pour nous elle avait plutôt l’air d’une rencontre de mise à part ou d’avertissement qui peuvent à long terme porter atteinte à la liberté d’expression et la liberté de presse.

 

Radio Oméga : Parlant d’accompagnement dans la lutte contre le terrorisme, comment les journalistes doivent apporter leur contribution et que doit faire le gouvernement dans ce sens ?

 

Boukari Ouoba : Je crois que c’est ce que nous faisons depuis cinq, six ans. C’est d‘apporter la bonne information, c’est attirer l’attention des autorités et de tous les acteurs par rapport à cette menace et c’est de contribuer à la mobilisation des différents acteurs. C’est le travail au quotidien que la presse fait.

Malheureusement tous les acteurs n’ont pas la même lecture du travail que font les médias. Et donc pour les autorités, un article de presse, une chronique, un commentaire, on le prend seulement sur l’angle de la critique et malheureusement on oublie de voir que l’on critique pour qu’on puisse améliorer.

 

Radio Oméga : Vous avez parlé du président qui a refusé que les journalistes le prennent en photo, qu’est ce qui peut être à l’origine de cette attitude du président du Faso?

 

Boukari Ouoba : C’est difficile à dire. J’aurai été peut-être à cette rencontre avec le chef de l’Etat, j’aurai posé la question pour en avoir le cœur net.

Mais cela dit on a constaté quand même depuis un certain moment que c’est plus ou moins comme cela que ça se passe. C’est le service de communication qui organise tout, faire les photos, qui met ce qu’ils appellent les ressources à la disposition des journalistes ; vous avez les extraits qui sont déjà taillés, vous avez les plans de coupe qui sont là, vous prenez vous diffusez. Malheureusement vous devenez tout simplement des relais du service de communication et non plus des journalistes et c’est fort regrettable. Malheureusement encore vous constaterez qu’on diffuse ces images, ces extraits sonores et vidéos sans jamais mentionner que cela provient de l’équipe de communication de la présidence du Faso. Moi c’est ce qui me dérange.

 

Radio Oméga : Il y a un bout de temps que le président Paul-Henri Damiba  à peine trois mois au pouvoir. Pour ce bout de temps comment appréciez-vous la relation presse militaire au pouvoir ?

 

Boukari Ouoba : Déjà d’une manière générale vous savez entre les journalistes et les militaires il n’y a pas trop d’atome crochu. L’une est la grande muette l’autre c’est peut-être la grande bavarde. Ce n’est pas en mettant la presse sur le boisseau sur l’éteignoir que forcement on va avoir une gouvernance, une gestion paisible et tranquille dans le contexte où nous sommes aujourd’hui. Le Burkina Faso a plus que besoin d’une presse qui soit alerte, d’une presse qui soit critique.

 

Radio Oméga : La pratique du journalisme ces temps-ci, il y a des failles des fois. Avec la diffusion des fausses informations on a eu des chiffres aussi un peu faussés quant aux pertes en vie humaine au cours d’attaques terroristes, est ce que tout cela l’un dans l’autre ne compromet pas un peu la profession ?

 

Boukari Ouoba : je suis d’accord avec vous, je ne serais pas celui qui va nier les manquements. Ça peut expliquer cela, mais ça ne peut pas justifier. C’est loin d’être une raison, un prétexte pour bâillonner la presse. Un penseur a dit « la presse quand elle est libre elle peut être bonne ou mauvaise. Mais quand elle ne l’a pas elle ne peut être que mauvaise ». Donc ne pas lui donne cette indépendance, cette liberté d’exercer c’est déjà la condamner à être mauvaise par ce que ça va être une voix unique dont la voix du maitre.

Le Burkina Faso qui peut être fière d’être le premier pays en matière de liberté de presse en Afrique francophone. Cela est quelque chose de remarquable. Donc si en matière de la liberté de la presse on a ce record qui est salué au niveau mondial il faut s’en féliciter et il ne faut pas ramener à contrecourant.

 

Transcription : Laetitia Bayala et Maïmouna Konaté

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